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Chroniques
hommage à Olivier Messiaen
œuvres de Boulez, Debussy, Messiaen et Stockhausen
Personne ne l’ignore plus : si l’on rend hommage à Olivier Messiaen cette année, c’est parce qu’il aurait eu cent ans le 10 décembre prochain – et s’entretiendrait peut-être avec Elliott Carter (né quelques heures après lui, sur un continent aux canyons s’ouvrant sous les étoiles) que l’Ensemble Intercontemporain fête bientôt dans une autre salle parisienne, avec un programme de pièces soli. L’aura dont jouit désormais l’ornithologue et rythmicien(dixit sa carte de visite) nous ferait presque oublier les aléas d’une carrière au contact du public, Claude Samuel nous rappelant que le musicien fut « insulté à l’époque des Trois petites liturgies de la Présence Divine, sifflé pendant l’exécution de l’Epode de Chronochromie, moqué par certains après la création de Saint François ».
En juin 1951, à Tunis, le compositeur se charge de créer Quatre Études de rythme (1949-1950), inspiré par plusieurs voyages. Dommage que l’interprétation de la seule musique de Messiaen donnée ce soir ait laissé perplexe ! D’une virtuosité sans nuances dans Ile de feu I, Jean-Frédéric Neuburger se révèle plus délicat mais sec pour Modes de valeurs et d’intensités. Abordé avec un certain recueillement, Neumes rythmiques sait associer agilité et moelleux, mais l’agressivité ressurgit pour Ile de feu II, au point qu’on se met à penser que les sons crachent au lieu de siffloter... Fort heureusement, c’est un pianiste inspiré qu’on découvre sur La plainte, au loin, du faune (1920), pièce de Paul Dukas qui se veut témoignage poignant de l’amitié et du génie de Debussy.
De ce dernier, justement, trois musiciens livrent la Sonate pour flûte, alto et harpe écrite en 1915, en pleine guerre contre l’Allemagne. Malade et déprimé, Claude Debussy trouve là une occasion de défendre « la clarté, l’élégance, la fantaisie dans la sensibilité » qui selon lui reflètent les forces de l’esprit français. L’altiste Laurent Verney, le flûtiste Frédéric Chatoux (tous deux présents dans l’œuvre de Pierre Boulez donnée après l’entracte) et le harpiste Emmanuel Ceysson (qui rejouera la Sonate au Louvre, jeudi 27 novembre, dans un programme consacré à cette formation en trio) illuminent une interprétation fort justement ovationnée.
Sans doute la plus célèbre des créations du fondateur de l’Ircam, Le marteau sans maître (1955) convoque six instrumentistes autour d’un alto. Emprunt à René Char, le poème sert de noyau aux neuf sections élaborées, devenant « le centre de pétrification de la musique ». L’émission d’Hilary Summers s’y montre stable et aisée, mais sa diction plutôt brouillonne – c’est dommage, car Boulez s’est trop peu consacré à la voix pour qu’on puisse imaginer qu’il se soit ici désintéressé du sens des mots. La lecture de Jean Deroyer, au pupitre, se révèle soignée et pleine de clarté.
Un mot enfin sur Kreuzspiel qui ouvrait le concert.
Si l’on en croit Antoine Goléa, c’est le célèbre Mode de valeurs et d’intensités de Messiaen qui aurait inspiré à Stockhausen cette pièce où le statisme finit par dominer, après que les trois percussionnistes, entourant la queue du piano, abandonnent la peau pour le métal. Elle annonce un autre hommage, celui rendu au compositeur allemand ici même, les 14 et 15 novembre. Les musiciens du Asko|Schöenberg Ensemble interprèteront alors Der Gesang der Jünglinge (1956), Orchester-Finalisten (1995-96) et surtout Glanz (2006-07), écrit pour eux [lire notre chronique du 18 septembre 2008].
LB